Mon père acheta une vieille malle pleine et verrouillée. Je me souviens du moment où nous fîmes sauter la serrure et de mon émerveillement devant les trésors qu’elle recelait. Monceau d’objets banals porteurs d’une mémoire, mais laquelle?
Il ne s’agit pas de la malle d’une couventine. Un papier brun tapisse le fond du coffre; j’y découvre le brouillon d’une lettre écrite en français depuis le New-Hampshire. La lettre d'une femme qui raconte les misères de sa vie d'immigrante.
Entre 1850 et 1930, plus d'un demi million de Canadiens-français ont migré aux États-Unis en quête d'une vie meilleure. Une telle ponction dans la petite population du Québec d’alors a eu un impact considérable. Cette histoire fait partie de l’héritage d’un nombre impressionnant de québécois et on en sait peu de choses. Pourtant l’expérience de la migration est au centre de la condition humaine.
Suggestion de lecture: Françoise Belu, Émigrer dans le temps, Vie des arts, numéro 222. Montréal, printemps 2011.
La mémoire se construit par strates, par la superposition et la fusion d’images et d’affects prégnants ou volatiles dont le sens change au fil du temps. Loin d’être linéaire, notre mémoire travaille dans la matière et la temporalité plutôt que dans la chronologie.
Dès l’enfance, j’ai regardé mon père - le photographe - faire apparaitre des images dans un bain de liquide magique. Beaucoup plus tard, j’ai vu ma mère - la libraire - effeuiller sa mémoire et, à la fin de sa vie, perdre des chapitres, retrouver des pages, oublier les phrases puis les mots. C’est ainsi que la mémoire est devenue pour moi un objet de fascination et d’étude.
Mémoire / REMIX puise dans les archives de la famille et d'amis où je choisis et numérise des négatifs et des diapositives de différentes époques. Chaque oeuvre amalgame au moins deux images qui retiennent la matérialité de la photo argentique et qui font cohabiter des gens, des lieux et des ambiances. C’est ainsi que mères et filles, à vingt ans, peuvent être assises ensemble pour converser.
Suggestion de lecture: Programme du Festival international de musique actuelle de Victoriaville 2014 (FIMAV), exposition duo avec Carl Raymond.
Bien que nous nous efforcions de le nier ou de le fuir, l’hiver a forgé nos identités et nos paysages. Même la planisphère a poussé les pôles en marge de notre regard. C’est au moment de le perdre que le Nord nous apparaît dans toute son importance.
Les photographies argentiques, tout comme le Nord, disparaissent, s’effacent, se dématérialisent. Plus rien ne retient ces choses fragiles.
L’Hiver c’est du folklore I et II sont composées de centaines de photographies argentiques agencées sous une représentation cartographique de l’Arctique sérigraphiée sur du verre.
En 2006, j'ai implanté vingt et une photographies aux sels d’argent sous l'écorce d'érables centenaires. Depuis, la cicatrisation du cambium les recouvre et le temps les efface. L'histoire de l'occupation permanente de ce territoire remonte à 1883 et les vingt et une photographies présentent ses habitants - agriculteurs, forestiers et artistes - de toutes les générations, jusqu'à nos jours. Bornant un lot sur la ferme où je réside, ces arbres avaient échappé à la coupe à blanc et devinrent ligne de vie.
La réalisation de ce projet est jalonnée de rencontres et de recherches d'archives, de lectures sur l’histoire et d’expérimentations en arboriculture. Ligne de vie est devenu un espace muséologique éphémère que des centaines de visiteurs ont parcouru lors des évènements Clairière - Art et nature, à Chesterville au Québec, entre 2006 et 2015.
Suggestion de lecture: Anithe De Carvalho, Dominique Laquerre. Bois d'oeuvres. Espace, numéro 78 (2006) p 44
Parlez-moi de la rivière Nicolet. Telle était l'invitation épinglée dans les lieux publics des villes et villages riverains de ce cours d'eau de plus de cent kilomètres.
Une vingtaine de personnes ont répondu à l'appel et ont livré des témoignages et des informations sur leur rapport à la rivière qui traverse leur vie. Les éléments reçus ont servi de matière première à la réalisation de quatre oeuvres permanentes - les repères - installées en quatre lieux sur les berges ou le lit de la rivière. Chaque repère comporte un CD-ROM, qui regroupe les informations reçues en un thème, scellé dans une capsule de granit. Des vernissages publics en plein air ont ponctué la mise en place des repères au cours de l'année 2002.
Suggestion de lecture: Anithe De Carvalho, Dominique Laquerre: Repères pour une mémoire collective, Espace, Numéro 63, Montréal 2003. pp 42-43.
L'arbre généalogique est un symbole omniprésent dans l'histoire de l'art. Alors que sa configuration basée sur le tracé linéaire de la filiation patriarcale est remise en question, son iconographie s'ouvre à tous les possibles.
Au tournant du millénaire, mon arbre généalogique s'est élaboré en un lent processus où les étapes et les matériaux sont porteurs de sens et contribuent à la cohérence de l'ensemble. Pendant des mois, les membres de ma famille ont été mis à contribution pour découper dans le cuivre plus de mille feuilles d'arbres toutes différentes et imparfaites. Ces feuilles ont été fixées aux arbres de la forêt pour être travaillées par les intempéries pendant toute une année.
Chaque mois, je photographiais les changements de ce paysage symbolique et en transmettais les constats sur un site internet permettant au public d'accéder à ce lieu fragile, intime et privé situé en pleine forêt. L’ultime forme de l’arbre généalogique réunit les mille feuilles et s’apparente à la pratique du all-over en peinture.
Suggestions de lecture: Louise Paillé, L'esprit de la nature, revue ETC, numéro 60, 2002-2003, p. 67-69
Sélection d’oeuvres d’art public réalisées dans le cadre de la Politique d’intégration des Arts à l’architecture du gouvernement du Québec et pour des clients publics et privés.
Suggestion de lecture : Présence du littéraire dans l’espace public canadien